À une époque particulièrement sombre de l’histoire du cinéma où un bon 90% de tout ce que je vois à l’écran est malheureusement stupide, inutile et oubliable, laissons aux Français le soin d’élever le cinéma avec quelque chose de beau, de touchant et de mémorable. Écrit et réalisé par le prolifique François Ozon, Everything Went Fine est une œuvre exemplaire qui explore intelligemment les avantages et les inconvénients de l’euthanasie avec le genre d’amour, de vérité et de puissance qui est rarement capturé au cinéma. Si vous faites partie de la catégorie de moins en moins nombreuse des cinéphiles qui exigent des films plus qu’une camelote abrutissante, ce film vous redonnera foi en l’humanité.
Emmanuele et Pascale Bernheim sont des sœurs aimantes et dévouées d’une famille juive éminente et cultivée de Paris. Lorsque leur vieux père André est victime d’une attaque cérébrale invalidante et de toutes les conséquences désastreuses qui en découlent, elles s’empressent d’assumer leurs responsabilités, d’administrer des soins et de se préparer à sa mort inévitable. Les Bernheim sont des gens sophistiqués, très instruits, professionnellement accomplis et culturellement avancés. Il n’est donc pas surprenant qu’ils gèrent le malheur avec des réserves de calme et de contrôle, mais en cas de crise, ils peuvent encore ressentir intensément la douleur et le chagrin. Le film épluche les couches d’émotions retenues dans les relations internes entre leur père et divers parents et amis, mais M. Bernheim touche encore plus les nerfs à vif de ses deux filles déjà inquiètes lorsqu’il leur confie son désir qu’elles l’aident à mourir dans la dignité.
Emmanuele est romancier, son mari Serge est historien du cinéma et prépare une rétrospective sur Luis Bunuel ; Pascale est musicienne et mère de deux enfants. Ce sont des personnes mûres, prêtes à se surpasser pour enrichir les derniers jours de la vie de leur père, mais c’est un homme aux multiples personnalités contradictoires – irascible, capricieux, exigeant, provocateur – et il est également homosexuel, avec un amant violent et dangereux qui ne veut pas dire adieu, même si cela signifie dénoncer tout le monde à la police pour risquer une arrestation et une peine de prison. Pire encore, la mère d’Emmanuele et de Pascale, Claude, une sculptrice de renom séparée de leur père depuis des années et souffrant de dépression et des derniers stades de la maladie de Parkinson, n’est d’aucune aide. Un petit bonus galvanisant de Everything Went Fine est la performance de Charlotte Rampling dans le rôle de la mère. Ce film prouve une fois de plus qu’elle ne peut se tromper dans aucun rôle, quelle que soit sa taille.
Tout cela semble implacablement triste et désespéré, mais une fascination hypnotique s’ensuit alors que le film conduit le spectateur à travers une myriade de complications dans la vie d’un groupe diversifié de personnages, alors qu’Emmanuele enquête sur les conséquences juridiques du suicide assisté. De l’énigme de la personnalité au régime soigneusement détaillé d’antidépresseurs, de statines et d’anticoagulants qui maintient le vieil homme en vie pendant que sa famille s’efforce de l’emmener dans une clinique en Suisse qui mettra légalement fin à sa douleur et lui rendra sa liberté, en passant par les conséquences de l’appel téléphonique confirmant que “tout s’est bien passé”, le scénario méticuleux de M. Ozon est une source d’inspiration pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur les conséquences du suicide assisté. Le scénario méticuleux et la mise en scène pleine de compassion de M. Ozon ne négligent rien pour raconter cette histoire vraie, basée sur le livre qu’Emmanuele Bernheim a publié après la mort de son père, et rehaussée par une distribution parfaite comprenant la ravissante Sophie Marceau dans le rôle d’Emmanuele, Geraldine Pailhas dans celui de Pascale, et l’actrice chevronnée Hanna Schygulla dans le rôle de la femme qui dirige l’organisation suisse qui propose des solutions aux patients en phase terminale. Mais surtout, la performance d’André Dussallier dans le rôle du père, aux multiples facettes, est profondément dévastatrice.
Les films sur la vieillesse gracieuse et la mort héroïque sont souvent évités comme un virus par les spectateurs qui recherchent des sujets plus joyeux et plus divertissants. J’espère que ce n’est pas le cas de Everything Went Fine. Ce film affirme la vie et nous enseigne quelque chose de valable sur les défis inattendus mais inévitables de la vie, en évitant toute tentation de céder à la sensiblerie. C’est un très bon film.