Certaines histoires sont racontées encore et encore parce qu’Hollywood est à court d’idées. D’autres sont reprises parce qu’un cinéaste trouve une nouvelle perspective ou un nouvel objectif pour les raconter. C’est le cas du drame en langue espagnole Society of the Snow de J. A. Bayona, qui raconte l’histoire poignante de la survie d’un avion uruguayen qui s’est écrasé dans les Andes en 1972. La catastrophe est bien connue, en particulier des téléspectateurs qui se souviennent de son déroulement en temps réel, mais certaines incarnations précédentes à l’écran ont présenté l’épreuve de 72 jours d’un point de vue étrangement nord-américain.
Le plus célèbre de ces films est Alive, réalisé par Frank Marshall en 1993, avec Ethan Hawke dans le rôle de Nando Parrado, l’un des 16 survivants. Bien que mémorable et bien réalisé, le film était en anglais et les acteurs sud-américains n’ont pas été choisis pour incarner les personnages réels. Ici, Bayona, qui est originaire d’Espagne, corrige cette erreur. Sa vaste distribution hispanophone est en grande partie inconnue, ce qui sert l’histoire, et tous ses acteurs se sentent fermement ancrés dans la culture d’origine des passagers. C’est un véritable tour de force que d’amener le spectateur à s’intéresser immédiatement aux personnages, mais Bayona y parvient en quelques minutes, en nous présentant un groupe de jeunes hommes pleins de vie, excités à l’idée de se rendre de Montevideo à Santiago pour assister à un match de rugby.
Le vol était principalement composé des joueurs de rugby et de leurs familles, mais certains ont également amené des amis. L’un d’entre eux est Numa Turcatti (Enzo Vogrincic Roldán), qui est venu pour rencontrer des filles et découvrir une nouvelle ville. Il devient le point de connexion émotionnel pour le public, racontant des moments clés, même au-delà de sa fin tragique. Ce n’est pas un spoiler, bien sûr, de savoir que beaucoup de personnages ne s’en sortent pas. L’accident d’avion, filmé avec un réalisme cru et immersif, se produit quelques minutes seulement après le début du film, bloquant le groupe dans les montagnes enneigées, sans nourriture ni abri. La question n’est pas de savoir qui survivra à l’accident, mais comment.
Cette survie est parfois difficile à regarder. Le passé de Bayona en tant que réalisateur de films d’horreur lui sert bien lorsque les corps commencent à s’éteindre et à réagir aux éléments. Une avalanche recouvre l’épave de l’avion avec tout le monde à l’intérieur et vous pouvez réellement ressentir la claustrophobie et la panique (ceux qui ont vu The Impossible du réalisateur se souviendront de son talent pour ce genre de moments). Au fur et à mesure que les jours passent, une terreur sous-jacente s’installe, dont il est impossible de se défaire. Mais il y a aussi l’amitié et la résilience. Plusieurs survivants sont déterminés à partir en randonnée pour chercher de l’aide. Ils sont prêts à tout pour survivre à l’hiver et c’est très inspirant à regarder. Bayona est également très prudent avec l’histoire du cannibalisme, qui est traitée avec délicatesse et jamais gratuitement.
Le film est basé sur le livre de Pablo Vierci, La Sociedad de la Nieve, mais Bayona et son équipe ont également interviewé de nombreux survivants, tout comme les acteurs. Ce niveau de recherche et de perspicacité est visible, immergeant les spectateurs dans une époque et un lieu particuliers où les petits détails laissent un impact persistant. Bayona se concentre sur l’humanité et non sur le sensationnalisme, mettant en scène des moments poignants d’amour et d’attention entre les personnages. Le film est parfois larmoyant, certes, mais ce qui demeure, c’est la capacité d’une personne à endurer des circonstances impossibles. Comment quelqu’un peut-il être aussi résistant ? Il semble impossible de le savoir, mais des films comme celui-ci nous aident à nous rapprocher de la vérité de notre existence. C’est un film difficile à regarder, mais important.